Lorsque Paris est choisie en 1989, elle est encore une « Ville européenne de la Culture », initiative dont la France est à l’origine par l’intermédiaire de Jack Lang, ministre de la Culture de l’époque et son homologue grecque Mélina Mercouri . Cette année culturelle, moins marquée à l’époque qu’aujourd’hui, coïncide surtout avec les festivités du bicentenaire de la Révolution, notamment le fameux défilé du 14-Juillet de Jean-Paul Goude sur les Champs Élysées. Un équipement culturel inauguré pendant cette année va également marquer durablement le paysage de la ville : l’Opéra Bastille.
Les trois autres villes françaises nommées – Avignon en 2000, Lille en 2004 et Marseille en 2013 – ont mis en place des programmations artistiques qui ont laissé des traces durables dans le paysage local et ont contribué à faire rayonner ces métropoles au niveau national voire international grâce à des réalisations marquantes. Retour sur ces expériences phares avant la sélection de la nouvelle Capitale française entre Bourges, Clermont-Ferrand, Montpellier et Rouen.
Avignon expose « La Beauté »
dans ses rues
L’année 2000 occupe une place particulière dans les Capitales européennes de la Culture ; alors qu’auparavant seule une ville était nommée, le millénaire débute avec neuf capitales, dont deux de pays s’apprêtant à rejoindre l’Union européenne. Elles se réunissent dans une association des Villes européennes de la culture pour inciter à la coopération avec des initiatives communes comme Trans Danse Europe, une tournée de danse européenne initiée par une compagnie d’Avignon 2000.
En France, l’entrée dans le nouveau millénaire se fête avec la Mission 2000 faite de grandes expositions dans quelques villes de France, dont Avignon. S’ouvre ainsi dans la Cité des Papes une grande exposition célébrant « La Beauté », convoquant tous les registres de l’art, du design au cinéma, avec 70 créateurs français et étrangers infusant dans toute la ville. Christian Lacroix ya recouvert des rues et monuments, tandis que l’église Saint-Charles accueille l’exposition de la chanteuse Björk ou Alexander McQueen aux bains Pommer, chef d’œuvre du XIXe siècle restauré pour l’occasion. L’exposition tente des rapprochements audacieux entre les époques, de Nicolas de Leyde à Bill Viola, et les cultures, de l’art indien à la Chine en passant par l’Antiquité classique.
L’exposition accueillera ainsi environ 195 000 visiteurs payants. En juillet, le 54e festival d’Avignon consacré au théâtre enregistrera un record de fréquentation à l’époque depuis sa création avec 137 000 billets vendus, en hausse de près de 20 % par rapport à l’année précédente. Enfin Avignon 2000 laisse à la ville la Collection Lambert, un musée d’art contemporain né du don du marchand d’art et collectionneur Yvon Lambert de 350 œuvres de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle.
Les maisons Folies de Lille, lieux de fête entre artistes et habitants
En 2004, Lille devient la troisième ville française à bénéficier de ce titre. Plus de 2 500 manifestations ont été organisées avec 17 000 artistes, dont une grande fête d’ouverture qui a réuni près de 730 000 personnes. L’événement est un succès public avec 9 millions de visiteurs qui se sont rendus dans la capitale du Nord pendant cette année avec un véritable impact sur la fréquentation des hôtels (+30 %) et sur l’emploi (+7 % dans le secteur du commerce, hôtellerie-restauration et culture). « Lille 2004 a fait gagner dix ans de notoriété à notre territoire », résume Martine Aubry, la maire.
Pour cette année, la ville avait mis en place un ambitieux programme d’aménagement urbain et de réhabilitation du patrimoine pour offrir de nouveaux équipements culturels comme la réouverture de l’Opéra de Lille. « De cette année d’exception, il nous reste des images fortes comme Les mondes parallèles ou les innombrables Métamorphoses, mais aussi des traces durables que sont nos maisons Folies », poursuit le maire. Ces douze lieux d’exposition imaginés par Didier Fusillier ont ouverts dans des sites inédits comme des anciennes usines ou lieux de patrimoine. Installée dans les bâtiments d’une ancienne brasserie, la maison Folie Moulins est ainsi devenue un équipement culturel pluridisciplinaire, tout comme la maison Folie Wazemmes, une ancienne filature.
Ces douze projets sont l’héritage de Lille 2004, avec, pour chacun d’entre eux, la construction d’un équipement spécifique (salle de spectacle, ateliers d’artistes, lieux d’exposition…) et une programmation artistique. Vingt ans après, l’aventure se poursuit sur le territoire avec la mise en place de lille3000, une grande programmation artistique ponctuée par des temps forts thématiques.
Le Mucem, un des emblèmes de Marseille
En 2013, c’est la candidature de Marseille, en partenariat avec un grand nombre de villes des Bouches-du-Rhône comme Aix-en-Provence, Arles, Aubagne, Gardanne, Istres, Martigues et Salon-de-Provence, qui est retenue. Au total, près de onze millions de personnes se sont rendues dans la ville phocéenne qui accueille cette année-là un nouvel équipement culturel de taille : le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée – ou Mucem. « De nombreuses études démontrent que l’arrivée d’un grand équipement culturel dans une ville qui en manque peut avoir un effet d’entraînement économique très significatif », déclarait lors de son ouverture son président Bruno Suzzarelli. Pari réussi puisqu’en sept mois d’exploitation la première année, il a attiré 1,3 million de visiteurs et trois ans après son ouverture, une étude du Mucem, de Bouches-du-Rhône Tourisme et de la CCI Marseille Provence montre que cet équipement génère annuellement 129,4 M€ de retombées économiques sur l’ensemble du département. Dans 58 % des cas, le Mucem contribue à la salle à Marseille ou dans les Bouches-du-Rhône.
Installé en bord de Méditerranée à l’entrée du Vieux-Port et recouvert d’un voile de dentelle, ce musée consacré aux cultures de la Méditerranée fête donc aujourd’hui ses dix ans et a plus que rempli son contrat. Son objectif affiché de 300 000 visiteurs par an a été largement dépassé avec par exemple l’an dernier 1,2 million de curieux venus admirateurs de ses collections composées de plus de 350 000 œuvres, objets, de nombreux documents et photographies. L’établissement entre ainsi dans le cercle des cinquante musées les plus visités du monde. « Il y a aussi le phénomène de l’image, très important : un grand équipement culturel tel que le nôtre peut contribuer à modifier l’image de la ville au plan national et international et inciter les entreprises à s’y implanter », poursuit Bruno. Suzzarelli. Preuve en est avec Marseille-Euroméditerranée, vaste projet de rénovation urbaine entamé au cœur de la ville avec la réhabilitation d’anciennes zones industrielles et commerciales et la rénovation d’infrastructures existantes.